La créativité et les neurosciences
« La créativité, c’est l’intelligence qui s’amuse » Albert Einstein
Pourquoi la créativité ?
Il y a encore peu de temps, la créativité était considérée comme un loisir « bon enfant », parfois même comme un relâchement peu acceptable dans le monde professionnel. Aujourd’hui, la créativité est en tête de liste des compétences professionnelles recherchées par les organisations.
Grâce aux neurosciences, on commence à comprendre le poids de la créativité sur les capacités à surfer sur les vagues de l’innovation, du changement, tout comme sur les prises de décisions stratégiques et opérationnelles. Ainsi, la créativité est un puissant levier dans tous les domaines professionnels, car elle a une influence incroyable sur la qualité du service rendu, la performance de l‘organisation, l’évolution des pratiques.
De plus, la créativité est une compétence essentielle pour bien vivre le changement, mobiliser les équipes, stimuler les compétences, le dépassement de soi et de l’équipe, l’agilité…
Pour le manager, c’est un levier porteur pour créer la cohésion de l’équipe, la performance du service, et valoriser l’amélioration continue. C’est une pratique qui est encore trop peu utilisée en mode projet, conduite du changement, innovation managériale, pour l'atteinte des objectifs ou de l’efficience…
De nombreuses croyances limitantes étaient ancrées dans les esprits et le sont encore malheureusement. La plus populaire est de croire que la créativité est un talent réservé à quelques privilégiés, alors qu’il n’en est rien. Les chercheurs en neurosciences ont découvert que la créativité était un processus, qu’il est donc possible d’apprendre.
Quels liens existent-ils entre les neurosciences et la créativité ?
Depuis une dizaine d’années les chercheurs en neurosciences ont commencé à se pencher sur la question.
Les neurosciences tentent de comprendre comment la créativité se déclenche et par quel processus. Des découvertes majeures qui sont encore à leurs prémisses nous permettent d’entrevoir les bonnes pratiques à exploiter pour activer notre créativité.
À l’aide de la neuro-imagerie, il a été démontré qu’au cours de situations créatives, deux régions du cerveau sont les plus sollicitées. Ces deux régions sont le cortex préfrontal (siège des différentes fonctions cognitives dites supérieures*) et une région du cortex temporal (fonctions sensorielles, inspiration des connaissances issues du monde*), ce qui laisse à penser que notre système cognitif et sensoriel est extrêmement sollicité dans nos
moments de créativité.
La créativité et notre système cognitif sont-ils interactifs ?
Pour comprendre ce qui se passe dans le cerveau lorsque nous sommes en pleine créativité, les chercheurs en neurosciences ont relevé que les personnes les plus créatives affichent une activité cérébrale plus intense au niveau alpha (gamme de fréquences). À ce niveau, nous sommes dans un mode « défocalisé », c'est-à-dire en pensée flottante. Nous pouvons alors entrer en relation avec un très grand nombre d’informations proches ou lointaines enregistrées par notre cerveau. Notre pensée est diffuse, centrée vers l’intérieur.
Ce phénomène nous permettrait de connecter un nombre important d’informations (parfois contradictoires, parfois extravagantes ou décalées, parfois cartésiennes) afin de créer des liens logiques et pertinents. C'est ce qui va nous amener à être créatif, à sortir de nos représentations habituelles pour aller au-delà du connu (ou du réchauffé). On peut donc affirmer maintenant que la créativité se déclenche grâce à nos connaissances multiples acquises au fur et à mesure de nos expériences, sensations, évocations, interrogations...
Comment procédait le docteur House (de la série du même nom) pour résoudre ses fameuses énigmes ?
Ensuite, on retrouve le processus de l’insight, qui intervient lorsque l’idée arrive sans crier gare, au moment où l’on s’y attend le moins. C’est le fameux « Eurêka ! » d’Archimède.
Des études ont démontré que pour pouvoir développer sa créativité, trouver des idées vraiment originales et perspicaces, il faudrait apprendre à inhiber nos pensées d’expert qui nous viennent automatiquement pour laisser plus d’ouverture au reste de nos connaissances. On parle alors de contrôle cognitif.
Mais venons-en à ce qui nous intéresse le plus.
Comment stimuler la créativité ?
Plusieurs pratiques semblent émerger.
Le lâcher-prise semble être une composante majeure de la créativité. Savoir mettre de côté le problème grâce à la prise de hauteur permettrait à notre cerveau de mieux explorer le champ des possibles en recherchant dans l’ensemble des mémoires les multiples sources d’information. C’est par ce mécanisme que l’idée novatrice peut arriver. La créativité est donc bien un processus qui va déclencher des associations d’informations présentes dans notre cerveau (dans nos différentes mémoires). Grâce au lâcher-prise et au travail de connexion de nos neurones, qui se comptent par centaines de milliards, notre cerveau se mettra en action pour trouver l’idée. Ces informations s'entremêleront entre les plus nouvelles, les plus utilisées, les plus fréquentes, et surtout les plus lointaines, inconscientes, rares, dissonantes.
« Certaines personnes [ont] besoin de toujours tout contrôler. [Elles] n’acceptent pas leurs limites et perçoivent le [lâcher-prise] comme une véritable faiblesse. Lâcher prise ne veut pas dire renoncer. Au contraire, cela signifie progresser, se libérer de poids inutiles et parfois même changer notre façon de percevoir les choses. » (Melissa Pekel, « Quand le lâcher prise s’impose : 5 signes qui ne trompent pas », Retour à l'innocence, 10 juin 2012)
Le jeu : les animations créatives sont des techniques qui favorisent la créativité, source de lâcher-prise, d’ouverture, de pensées multiples, de déstructuration et restructuration de situation. Aujourd’hui, il existe de multiples techniques de créativité qui ont fait leurs preuves. L’activité ludique permet d’enclencher un stimulus et de débloquer des peurs pour supprimer tout type d’autocensure. Le jeu permet ainsi de stimuler les deux zones du cerveau, citées ci-dessus, pour ouvrir le champ des possibles. Une règle est toutefois à respecter : avoir un objectif précis.
La détente : quand nous sommes en repos, quand nous avons l’impression d’être dans un silence total cognitif, un peu dans les nuages, en réalité le cerveau est toujours très actif. Cet état lui permet de faire le point sur ce qui nous interroge ici et maintenant, de se centrer ensuite sur l’essentiel et d'éliminer le superficiel. Nous sommes tellement submergés d’informations inutiles qu’il nous arrive régulièrement de nous noyer dans les détails. Faire le vide nous permet de filtrer, de supprimer, de prendre de la hauteur pour bien plus d’efficacité. En utilisant la détente, nous développons notre sérénité, ce qui facilite l'accès à notre imagination.
Commencez simplement par fermer les yeux quelques minutes plusieurs fois par jour et écoutez les bruits environnants.
La métacognition : elle consiste à observer sa propre pensée avec la capacité à se voir décrocher. Les personnes qui développent la métacognition sont reconnues comme de grands créateurs. Ils savent se créer des questionnements poussés pour creuser plus loin et dépasser leurs cadres de références. Le cadre de références est l’un des obstacles à la créativité, car il nous met des œillères et nous empêche d’aller imaginer d’autres concepts.
Une des techniques pour commencer la métacognition est de se poser la question du pourquoi. Posez-vous la question « Pourquoi ai-je cette pensée (ou croyance) ? » et après avoir trouvé une réponse, le but est de pousser plus loin le pourquoi en continuant à se poser la question « Pourquoi ai-je cette réponse ? » Continuez ainsi cinq fois de suite.
Le sommeil : la chercheuse américaine en psychologie Deirdre Barrett explique que se poser une question avant de dormir est un bon moyen pour trouver une réponse, parfois innovante. Le cerveau a horreur du vide et a besoin de trouver une réponse à chaque question en recherchant activement tous les possibles dans ses différentes mémoires.
Les questions énergisantes : elles sont le cœur des techniques de créativité. Notre type de questionnement nous permettra de trouver des solutions formidables si celui-ci est dynamique, ouvert et pertinent ou nous enfermera si celui-ci est négatif, fermé et orienté. L'art de questionner pour un manager est véritablement une compétence des leaders. Je vous ferai un post sur cette technique.
Ainsi, la créativité s’enclencherait par désinhibition. Certaines zones cérébrales ne communiquent pas forcément entre elles, ce qui conduit au blocage d’associations et d'échanges d’informations. C’est le lobe frontal qui permettrait à ces zones de créer plus librement des connexions, des réseaux et favoriserait ainsi la créativité.
Nous verrons un peu plus loin comment passer de l’idée au projet, car dans bien des cas, nos idées s’envolent aussi rapidement qu’elles sont arrivées.
Maintenant, vous savez pourquoi l’idée peut arriver d’un seul coup ; c'est pourquoi je vous conseille de noter immédiatement l'idée qui surgirait. Parfois l’idée peut survenir pendant des moments inattendus, comme lorsque nous faisons nos courses ou pendant une soirée entre amis ; les blocs-notes de nos téléphones sont bien utiles pour ne pas perdre cette idée.
Qu'est-ce qui favorise la créativité ?
Stimuler la mémoire
Vous l'avez compris, les idées viennent de nos expériences, nos connaissances, notre vision du monde, nos observations, nos lectures, nos loisirs, notre environnement... Elles ne peuvent pas venir du néant !
Ainsi, la mémoire joue un rôle essentiel dans la créativité. La mémoire sémantique qui active les informations utiles pour créer des connexions (connaissances définitives, souvenirs, faits, concepts, catégories…) est l'un des moteurs de la créativité.
Plus on active de zones, plus la créativité est présente. Ce processus exploratoire permettrait de trouver les meilleures réponses, car il met en place une étape de déstructuration de la situation puis de restructuration des données utiles à la validité de l’idée.
Plus nous stimulons notre mémoire, plus il nous sera facile d'activer un nombre important de données nécessaires à la créativité.
Stimuler l’émotion
Des experts ont pu démontrer que l’émotion jouait un rôle direct sur notre niveau de créativité. En effet, les personnes qui recueillent leurs émotions seraient les plus créatives. C’est donc un levier extraordinaire pour apprendre à activer notre créativité.
On parle souvent d’intelligence émotionnelle qui peut être développée par tous afin d’apprendre à reconnaître le pourquoi d’une émotion, l’accepter comme message, la maîtriser et l’utiliser de façon pertinente pour soi et pour les autres.
Mais ce ne sont pas les seuls leviers : les aptitudes cognitives, la personnalité, la motivation, la formation, l’environnement, les croyances, le comportement et l’état d’esprit sont autant de facteurs qui vont influencer la créativité.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Être créatif ne signifie pas seulement avoir des idées innovantes. En effet, un autre facteur est tout aussi important : la capacité à mettre ces idées en œuvre.
Pour illustrer ces propos, voici le processus créatif efficace selon Marion Bottela (Maître de Conférences à l'Université Paris Descartes) :
- La préparation : collecte d’informations, compréhension du problème/besoin et analyse
- La concentration
- L’incubation, en portant son attention dans d’autres directions pour favoriser les associations
- L’idéalisation : production de nouvelles idées
- L’illumination : l'Eurêka
- La vérification
- La planification
- La production
- La validation
On voit bien ici que la créativité va au-delà de l’idée. C’est bien un processus qui a pour objectif de réaliser des actions innovantes et performantes, quel que soit le besoin.
Que retenir ?
Nous pouvons tous être créatifs.
La créativité est une compétence clé du manager agile.
La créativité demande beaucoup d’énergie.
Une équipe innovante est une équipe mature.
La créativité n’est pas une perte de temps. C’est au contraire une source d’amélioration et de performance.
La créativité est un processus.
Le cognitif et le sensoriel sont liés.
Le cerveau est bien plus créatif lorsque nous l’autorisons à vagabonder.
Les émotions sont source de créativité. Écoutons-les !